Du pré au post natal, de nombreux mécanismes inconscients entrent en jeu et confrontent le couple à un cocktail d’émotions lié au vécu de chacun et possiblement à des mémoires familiales souvent méconnues.
Lorsqu’elle est vécue en conscience et traversée dans la bienveillance réciproque, cette expérience peut s’avérer une extraordinaire opportunité d’évolution.
Vous êtes les alchimistes de votre relation, aussi, la place de chacun ne répond en réalité, à aucune loi mais il est certain que dans cette aventure, il y aura toujours un avant, un pendant et un après !
Je vous propose de cheminer aux travers des principales étapes clés pour ouvrir des pistes de réflexion, élargir le regard et la vision sur une aventure toujours singulière.
Apprendre à mieux communiquer, de façon plus fluide, plus empreinte de vérité servira chacun bien au-delà de ce contexte.
1. Quel est le contexte de la grossesse ?
Grossesse prévue ou inattendue ?- La grossesse est désirée et arrive au moment rêvé ou bien plus vite qu’on l’aurait imaginé…
- La grossesse s’est faite attendre et vous a embarqués bon gré mal gré, dans les méandres de l’« aide médicale à la procréation », vous mettant à l’épreuve du temps, parfois d’une course contre la montre, d’exigence de performance, de normes, d’examens souvent contraignants qui portent atteinte à la spontanéité et à la magie d’un processus qui se voudrait
- La grossesse s’est invitée par une inattention ou malgré une contraception.
- La grossesse aura succédé à une autre sans vous laisser le temps de souffler, parfois même après des années de parcours d’infertilité.
Dans tous les cas, la relation de couple peut être malmenée par ce qui ne se déroule pas comme prévu et surtout si les émotions traversées ne trouvent pas une voie d’expression.
- La grossesse est-elle bien accueillie ?
Ce n’est pas parce qu’une grossesse n’était pas prévue qu’elle n’est pas bien accueillie et inversement !
La concrétisation d’un projet de grossesse peut confronter à un décalage parfois inattendu entre ce qui était imaginé et la réalité ou encore à des questions plus existentielles, voire philosophiques liées au contexte général. Tout ceci, pour l’un comme pour l’autre, peut être source de peur, de crise de confiance, d’ambivalence, d’incompréhension, voire de panique. Et la temporalité de chacun.e peut être différente.
Il arrive que la grossesse ne soit pas prévue mais merveilleusement accueillie, ou pas…
Face à autant de scenarii, de vécus et d’émotions potentiels, il importe que chacun.e puisse accueillir ce qui est pour soi, sans se sentir culpabilisé.e.
Parvenez-vous à partager vos ressentis ? A accepter qu’ils puissent être différents ?
Il est aussi précieux que difficile d’exprimer et de partager l’ambivalence de ses sentiments, surtout dans un couple, par crainte de décevoir ou parce que l’on éprouve de la culpabilité.
C’est un cadeau pour vous de vous respecter dans l’accueil de vos ressentis, de vos émotions, de vous autoriser, sans culpabiliser d’être triste, déçu.e ou en colère.
C’est un cadeau pour la relation d’être honnête l’un envers l’autre sur ce que l’on ressent, une preuve de confiance aussi que de pouvoir se livrer sans crainte de jugement et d’accueillir ce qui est là sans remettre en question & sans accuser l’autre de son mal être.[1]
Vos différences font votre richesse à condition de les cultiver ensemble dans la bienveillance.
C’est un cadeau pour l’enfant à venir qui, aussi petit soit-il, inscrit dans ses cellules tout ce qui génère les émotions que l’on ressent. [2]
La dissonance entre le ressenti et l’histoire racontée sera toujours plus préjudiciable que la vérité.
Rassurez-vous, tout peut être simple, dans ce cas, profitez ! Laissez-vous simplement porter !
2- Les 9 mois de grossesse
- le 1er trimestre
Lorsque la grossesse est confirmée, alors que les premiers symptômes physiques ou psychiques sont souvent déjà là, elle peut être comme « en suspens » jusqu’à la fin du premier trimestre, tant que toutes les cases du lot d’examens médicaux, de leur normalité ne sont pas « cochées »… (Sans que l’on vous explique toujours les tenants et aboutissants de chaque examen et du stress que ses résultats peuvent engendrer) et le moindre symptôme (comme des saignements) peut générer des appréhensions.
Seule à ressentir les transformations en cours dans votre corps (et très variablement d’une femme à l’autre), vous voilà devenue une vraie usine de fabrication ! Cela peut influer sur votre désir et votre disponibilité dans la relation. Si vous ne partagez pas avec votre partenaire ce qui vous anime, il.elle ne prendra pas toujours la mesure de ce que vous vivez. L’antidote aux méprises et aux suppositions est là encore et toujours la communication. La grossesse peut par ailleurs sembler bien abstraite pour qui ne la vit pas du dedans. Cela peut générer un décalage entre l’implication que vous souhaiteriez, l’empathie dont vous auriez besoin et ce que vous percevez.
Si la conception a été médicalisée, voire surmédicalisée, il est parfois difficile de s’affranchir du joug de ce qui représente l’autorité médicale et de vous réapproprier ce qui vous appartient : votre grossesse et parfois même votre intimité.
Par ailleurs, souvent doublée de la poursuite d’une activité professionnelle, la grossesse impose plus que jamais de revoir un partage des tâches et de la charge mentale des plus équitables, tant pour le fonctionnement de la maison que pour la logistique des aînés s’il en est.
- Les deux derniers trimestres
Les transformations du corps, la prise de poids, peuvent mettre à mal votre féminité ou la sublimer. Le (la) partenaire peut aussi prendre du poids en cas de couvade, sorte de solidarité hormonale 😉.
Les représentations associées au corps lors de l’accouchement peuvent être sources de craintes : mieux on connaît son anatomie et le fonctionnement de son corps, plus on apprend à l’écouter, plus la confiance grandit. Le sommeil peut aussi être perturbé, la fatigue plus présente[3].
La grossesse est un terrain d’expérimentations ! L’occasion de saisir ce cadeau que vous fait votre bébé de mieux vous connaître, de vous inviter à prendre soin de vous en prenant soin de lui, via tout ce que vous absorbez, mettez sur votre peau et respirez. L’enjeu est majeur au cours de cette période. [4] Là aussi, la communication est essentielle, pour que le « prendre soin » du ou de la partenaire ne soit pas ressenti par la future mère comme des injonctions autoritaires ! N’hésitez pas à participer à des ateliers proposés près de chez vous ou dans votre maternité.[5]
Concernant la sexualité pendant la grossesse, voilà l’occasion de découvrir ou de redécouvrir une sexualité autrement : plus tendre, plus tantrique, plus douce.[6] Acceptez vos fluctuations de libido ! La peur de faire mal au bébé lors des rapports sexuels est relativement fréquente mais infondée, rappelez-vous de ne jamais vous priver de ce qui vous apporte du plaisir 😉.
La place et les attentes de chacun.e
- Pendant la grossesse
Je vous propose de faire un pas de côté pour vous poser les questions suivantes, sans jugement !
- Y a-t-il des rôles qui se jouaient entre vous avant la grossesse ? Qu’est-ce que celle-ci vient transformer ? Quel(s) deuil(s) induit-elle ? Quelles transformations?
- Quelles relations a-t-on avec sa famille, sa belle-famille? Y a-t-il des choses qui se rejouent d’une génération sur l’autre[7] ? Qu’est-ce que la grossesse révèle ou exacerbe ? Quels points de vigilance pour vous préserver ?
La grossesse est l’occasion de vous découvrir sous un nouvel angle, dans vos forces et vos vulnérabilités, de traverser ensemble les doutes, les peurs. Veillez, si cela fait sens, à accepter un décalage si vous n’avancez pas à la même vitesse, à exprimer votre besoin de soutien, de présence, en parlant en « je »[8] sans attendre que l’autre devine ! Tout cela est très riche.
Le projet de naissance offre l’occasion de se projeter ensemble vers une échéance commune ; Pour le.la partenaire de mieux comprendre les enjeux, de prendre sa place, de se projeter comme LA personne ressource.
Quel est votre accordage sur ce projet de naissance ? En est-il un ? Quelles émotions suscite-t-il ? Que se cache-t-il derrière ? Quelles peurs fait-il surgir ?
Quelles attentes de l’un, de l’autre ? Se rejoignent elles ? Quelle présence est attendue, souhaitée ? imposée ?
Concernant votre suivi médical (1 consultation par mois et 3 échographies en tout) : y aller à deux permet que chacun puisse poser toutes ses questions, aucune n’est inutile si elle se présente, vous pouvez vous tourner vers une sage-femme.
Cela vous permettra aussi de commencer à réfléchir à vos souhaits pour la naissance de votre bébé. Selon votre intention (naissance dans une maternité, en maison de naissance ou à domicile) et votre lieu de résidence, il faut parfois vous inscrire relativement tôt dans la grossesse.
Les échographies sont des moments généralement attendus qui permettent de prendre conscience de cette vie encore invisible de l’extérieur et les vivre à deux peut être un plus. Sans oublier qu’il s’agit d’étapes pour vérifier que tout va bien. Si certains contrôles s’avèrent nécessaires, il peut être appréciable d’être à deux pour poser les questions et mieux comprendre les enjeux éventuels.
Toutefois, ce n’est pas parce que votre partenaire ne s’y rend pas avec vous que cela ne tourne pas rond ! Sauf si vous le vivez mal et ne vous sentez pas en mesure de lui en parler ou lui de l’entendre. Si c’est le cas, il peut-être judicieux de trouver le soutien d’un.e professionnel.le pour vous aider à communiquer sur les sujets sensibles.
Dans tous les cas, il est important de ne pas tout attendre de l’équipe qui vous suit mais de vous poser en acteurs, de rester au centre des décisions, des choix que vous serez amenés à faire. Tout ce qui vous concerne doit être le fruit de votre consentement éclairé.[9] Il importe que vous soyez en phase sur vos souhaits ou non-souhaits, de rester solidaires face à des propositions qui peuvent parfois diviser : En toutes circonstances, rester une équipe face à l’équipe. Comme il est difficile de restituer tous les échanges lors des consultations ou en préparation à la naissance, le fait de cheminer ensemble tout le long de la grossesse est clairement un atout en ce sens.
- Au moment de l’accouchement
Quelques atouts pour le.la partenaire…
- Avoir choisi d’être à cette place : Se donner le choix, ne pas en faire une affaire personnelle s’il.elle ne souhaite pas être là. Ne pas contraindre ou culpabiliser. Il n’y a ici pas de place pour le sacrifice de soi. Gardez toujours la liberté de changer d’avis. Se faire confiance, ne pas se sentir trahi. Accepter de montrer ses vulnérabilités. J’ai souvent rencontré des futurs pères qui avaient peur d’être présent. Rares sont ceux qui ne se sont pas laissés « embarquer » le jour J.
- Une bonne préparation à la naissance permettra au partenaire de savoir ce qui va ou peut se passer, d’avoir confiance dans les compétences de la mère et de l’enfant à naître et de se sentir rassuré.e pour mieux rassurer.
- Gérer ses peurs, travailler sur sa propre relation à la douleur, lâcher prise, se laisser porter par cette expérience sans vouloir tout contrôler ou avoir la même vision des choses.
- Accepter de ne pas avoir la solution: de laisser faire, de se contenter d’incarner le calme, le roc qui sera un appui dans la tempête des contractions, parfois sans rien faire, être là simplement, une main posée, un regard soutenant, accepter de se sentir impuissant (notamment s’il s’occupe des aînés sans pouvoir être là physiquement…) Ne vous y trompez pas, ce soutien est extrêmement précieux. [10]
Certaines préparations à la naissance permettent de vraiment se préparer à deux, de favoriser une collaboration fructueuse entre la femme qui enfante et son.sa partenaire qui, grâce à une boîte à outils bien remplie pourra accompagner, masser, soulager, aider par des points de pression[11] ou les vibrations de certains sons qui, judicieusement utilisés pourront faire office de puissant antalgique[12].
Dans une société très empreinte de patriarcat, c’est aussi l’occasion d’inverser les rôles, de laisser la femme exprimer sa puissance, souvent insoupçonnée et qui force l’admiration. Le.la partenaire, doit accepter de ne pas être pleinement acteur.ice de ce qui se joue, laisser son égo de côté, accorder sa confiance, sortir de sa zone de confort, simplement veiller au grain, être l’interface avec l’équipe, le.la gardien.ne « du temple », « chien.ne de garde », garant.e du projet de naissance, et surtout d’un espace sécure indispensable.
De nombreuses hormones entrent en scène lors de l’accouchement. L’ocytocine, sans laquelle l’accouchement ne peut tout simplement pas avoir lieu. Secrétée massivement pour induire les contractions, elle est précurseur des endorphines (réduisent la perception douloureuse), de la sérotonine (rôle dans l’équilibre émotionnel), de la dopamine (rôle dans la motivation), elle réduit la production de cortisol et la réponse au stress. Elle est sécrétée également par celui qui donne ET celui qui reçoit lors des échanges de regards bienveillants, de l’orgasme, des massages (à recevoir ou donner), câlins, embrassades, lorsque l’on écoute de la musique, que l’on s’embrasse, que l’on prononce des mots affectueux… Elle réduit la réaction au stress, favorise l’empathie et renforce le lien conjugal et l’attachement à son enfant[13]. On peut ainsi comprendre l’intérêt de vivre ce moment intense à deux.
Pour autant s’il est juste pour vous qu’il n’en soit ainsi, qu’il s’agit d’un choix conscient et consenti, ne doutez pas de ce qui est le mieux pour vous.
L’adrénaline fait aussi partie des hormones de l’accouchement, elle peut contribuer à le freiner ou à l’accélérer. L’accouchement, comme l’allaitement, fait partie intégrante de la sexualité[14]. Pour pouvoir donner naissance, il faut se sentir en sécurité. Un des rôles du/de la partenaire est d’être le gardien d’un environnement sécurisant, protégé des intrusions.
Conclusion
Dans cette danse des métamorphoses, physiques et psychiques pour la mère comme pour le.la partenaire, accueillir cette expérience, véritable transformation en profondeur est une belle occasion de lever le voile sur l’empreinte émotionnelle de l’histoire de chacun, de sa place au sein de sa famille, de sa fratrie et surtout de grandir ensemble, de renforcer la relation.
La confiance, la communication bienveillante et surtout non violente sont les bases indispensables pour inviter de la sérénité dans toute expérience de maternité. Elles permettent à chacun de se sentir libre d’exprimer ses ressentis sans se sentir jugé.
Une implication mutuelle le plus tôt & le plus fort possible, peut être un atout pour que chacun.e de prenne sa place, quelle qu’elle soit, dans une relation de complémentarité et non de rivalité. Mais j’insisterai sur le fait qu’il n’y a pas de règle, quelle que soit l’ancienneté de la relation. L’implication et ses manifestations peuvent être très variables. Ce n’est pas parce que votre partenaire ne s’implique pas autant que vous le souhaiteriez que c’est mauvais signe. Toutefois, une communication optimale n’est pas innée, il est toujours très utile de se faire accompagner lorsque le contexte exacerbe des difficultés relationnelles.
Ce n’est que le début de l’aventure… Elle se prolongera par celle du post partum, de l’allaitement, de la parentalité et à l’échelle du couple de la co-parentalité !
Article écrit par Delphine Messiaen / Sage-femme / Accompagnante holistique des femmes
Diplômée en homéopathie (CEDH & FFSH) et en santé environnementale (IFSEN & WECF)
https://www.delphinem.fr/
[1] Distinguer le facteur déclenchant d’une émotion de sa cause cf Les mots sont des fenêtres de MR.Rosenberg
[2]« L’empreinte de naissance » de JP Brébion
[3] L’acupuncture, l’homéopathie, l’hypnose, la sophrologie peuvent être des aides précieuses
[4] https://www.1000-premiers-jours.fr/fr/agir-sur-son-environnement
[5] https://wecf-france.org/sante-environnement/participer-a-un-atelier/
[6] « Slow sex » d’Anne & JF Descombes
[7] « Aïe mes aïeux »d’Anne Ancelin
[8] Ex : tu n’es pas assez souvent à la maison, j’ai besoin de passer au moins deux soirs par semaine avec toi.
[9] « La naissance en BD » Lucile Gomez
[10] J’accouche bientôt, que faire de la douleur de Maité Trelaün
[11] https://bonapace.com/fr/ par exemple
[12] https://www.idkids.fr/grossesse-adoption/naissance/preparer-larrivee-de-bebe/naitre-enchantes-des-vibrations-sonores-pour-faciliter-son-accouchement
[13] https://www.revmed.ch/revue-medicale-suisse/2012/revue-medicale-suisse-333/l-ocytocine-hormone-de-l-amour-de-la-confiance-et-du-lien-conjugal-et-social
[14] Les autoroutes de la transcendance de Michel Odent