Peut-être que certaines d’entre vous avez déjà eu des petits écoulements d’un liquide plutôt transparent provenant des seins durant votre grossesse ? C’est ce que l’on appelle le “colostrum” ; votre corps de future mère commence à en fabriquer dès le milieu de la grossesse.
Vos seins se sont alors bien développés et sont prêts à donner leurs fruits, c’est pour cette raison que si un bébé décidait de naître prématurément, cet élixir de santé parfaitement adapté à ses besoins pourrait lui être donné. Mais que contient ce premier lait ? Comment évolue-t-il après la naissance de votre enfant et pourquoi est-ce si important de ne pas l’en priver ?
Tout d’abord, il faut préciser que le fait d’avoir des petites fuites de colostrum durant la grossesse ne présage pas d’une plus grande production lactée après votre accouchement, de même si vous n’observez pas ce phénomène, cela ne veut pas dire que vous ne produisez pas de colostrum ou que vous n’aurez pas assez de lait pour votre bébé! Chaque femme est différente.
Quel est l’aspect du colostrum, de quoi est-il composé et quelles sont ses spécificités ?
La couleur du premier lait varie d’une femme à l’autre et peut-être avez-vous remarqué qu’il est parfois différent au fil des jours ? Il peut être transparent, grisâtre, légèrement marron au début puis devenir jaunâtre, couleur citron ou miel. On le qualifie souvent d’OR LIQUIDE, non seulement pour sa haute valeur nutritive mais aussi pour sa couleur.
Le colostrum va venir tapisser d’éléments protecteurs les parois du système digestif de votre bébé pour éviter l’invasion de mauvaises bactéries et virus et aussi favoriser le développement d’une flore intestinale de qualité appelée aussi “microbiote”. Il faut savoir que tant que votre bébé est à l’état fœtal (c’est-à-dire dans votre ventre) son tube digestif est stérile, il ne comporte aucune bactérie et ce n’est qu’à sa naissance que va commencer la colonisation des micro-organismes qui vont investir l’intérieur de son corps. Ces bactéries seront principalement issues de votre flore vaginale et fécale si vous accouchez par voie basse et des bactéries du service hospitalier si vous accouchez par césarienne. Le contact précoce en peau à peau avec votre bébé, outre tous ses bénéfices connus -lire à ce sujet notre article dédié « La magie du peau à peau »- lui permet d’être colonisé par votre flore cutanée qui est protectrice.
La composition du colostrum
Le colostrum est extrêmement riche en :
- Cellules vivantes (cellules souches, leucocytes, bactéries bénéfiques..)
- Protéines (grand nombre d’ anticorps, 5x plus d’immunoglobulines que dans le lait mature, facteurs de croissance cellulaire…)
- Oligosaccharides (sucres spécifiques qui jouent le rôle de prébiotiques c’est-à-dire de nourriture pour les bonnes bactéries qui constituent le microbiote)
- Vitamines (c’est d’ailleurs sa forte teneur en caroténoïdes et en vitamine A qui lui donne sa belle couleur jaune)
- Minéraux essentiels notamment le zinc (8x plus que dans le lait mature), le magnésium et le cuivre.
Le colostrum est en revanche pauvre en graisses et en lactose, ce qui le rend très digeste. Il permet ainsi à votre bébé une meilleure adaptation métabolique les premiers jours qui suivent sa naissance régulant entre autres son taux de sucre dans le sang.
Il a des effets laxatifs puissants aidant ainsi votre bébé à éliminer le méconium (déchets accumulés durant sa gestation).
De plus, il a la particularité d’avoir le même goût que le liquide amniotique dans lequel baigne votre bébé durant sa vie intra-utérine et qu’il a l’habitude d’avaler régulièrement. Cette saveur similaire va d’ailleurs contribuer à le guider pour prendre votre sein au cours des premières heures de vie.
Le colostrum est d’abord sécrété en très petites quantités, et augmente graduellement au fur et à mesure des tétées. Il faut savoir que l’estomac des nouveau-nés est de la taille d’une bille le premier jour de vie et qu’au bout de 10 jours il prend la taille d’une balle de ping-pong. Le jour de sa naissance, le volume d’une tétée correspond donc à quelques gouttes ou l’équivalent d’une cuillère à café, pas plus ! Mais chaque goutte compte ! La nature est bien faite car ces faibles quantités ingérées permettent à votre bébé de mieux pouvoir coordonner sa succion, déglutition et respiration. Cette dernière étant toute nouvelle pour lui, il a besoin d’un moment d’adaptation.
Durant votre montée laiteuse, entre le deuxième et le cinquième jour, le colostrum évolue progressivement en lait de transition puis deux semaines après votre accouchement, votre lait est considéré comme pratiquement mature, et il atteint sa maturité complète entre 4 et 6 semaines avec une composition stable.
Que faire si votre bébé ne peut pas directement obtenir votre colostrum au sein ?
En fonction des circonstances de votre accouchement et de la maturité de votre bébé, la tétée d’accueil ne peut parfois pas avoir lieu et dans certains cas votre bébé ne pourra pas téter avant des semaines. Cela ne veut pas dire que votre projet d’allaitement n’a plus de sens. Vous pouvez au contraire faire du don de colostrum et ce le plus tôt possible. Votre bébé pourra le prendre à la cuiller et s’il est en réanimation néonatale en cas de grande prématurité ce précieux élixir pourra lui être donné en soins de bouche puis dans la sonde nasogastrique qui le nourrira. Sa grande valeur immunologique est maintenant bien reconnue.
Vers la fin du dernier trimestre de grossesse, certaines mères expriment un peu de colostrum dans de petites seringues (1ml, 2ml) et le congèlent pour l’utiliser lors de leur séjour en maternité au cas où leur bébé auraient des difficultés à téter les premiers jours et que des substituts artificiels leur soient proposés (diabète gestationnel, séparation précoce, problèmes de succion, endormissement, jaunisse importante, prise de poids problématique …).
Parlez-en à votre sage -femme, à votre consultante en lactation et à votre obstétricien et familiarisez-vous en amont avec les bons gestes de massage et d’expression manuelle afin d’être prête au moment venu -lire à ce sujet notre article dédié « Les bienfaits du massage des seins » .
Il faut savoir que la grande valeur du colostrum n’est pas universellement reconnue malgré toutes les études qui le prouvent. Des pratiques culturelles d’un autre temps se perpétuent dans certaines régions du monde où le colostrum est considéré comme impur à la consommation par le nouveau-né à cause de sa couleur jaunâtre perçue comme suspecte. On sépare alors le bébé de sa mère pour éviter les tétées jusqu’au moment de la montée laiteuse. Le nourrisson reçoit à la place d’autres breuvages : par exemple du thé en Inde, du jamu en Indonésie (une potion médicinale traditionnelle), ce qui peut entrainer de graves problèmes de santé et des risques de mortalité plus élevés. Certains hôpitaux occidentaux ne sont pas en reste puisque des solutions glucosées ou des préparations industrielles pour nourrissons sont couramment données aux nouveau-nés dès leur naissance alors que le don de colostrum devrait être encouragé.
C’est une question de santé publique, d’où l’importance de continuer à informer et mettre en avant les bienfaits du colostrum et également former le personnel soignant aux meilleurs moyens de soutenir les jeunes mamans souhaitant allaiter.
En tout cas, ayez confiance en vos capacités à produire tout ce dont votre bébé a besoin et si vous en doutez faites-vous accompagner par des personnes compétentes-lire à ce sujet nos articles dédiés.
Article rédigé par Myriam Panard, consultante en lactation certifiée IBCLC pour Lansinoh France