Dans une société comme la nôtre où l’allaitement maternel n’a pas la place qu’il mérite, les idées reçues sont légion. Comme Boris Cyrulnik le dit si bien « Moins on a de connaissances, plus on a de certitudes ! » et cela colle parfaitement à tous les préjugés qui circulent en matière d’allaitement maternel.
Nous allons faire un petit tour d’horizon de ce à quoi vous pouvez être confrontée.
Tout d’abord, durant la grossesse, votre entourage vous demandera sûrement si vous avez l’intention d’allaiter votre futur bébé ; or quelle que soit votre réponse, vous aurez droit à un déferlement de remarques et de conseils en tout genre… et cela continuera une fois que votre bébé sera né ! Pas facile de devenir maman ! Au lieu de vous aider à construire votre CONFIANCE, on sème le doute dans vos intentions.
Exemples de remarques que l’on peut vous faire sur l'allaitement :
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Avant la naissance de votre bébé : « Vu la taille de tes seins, ça risque d’être compliqué ! » « Prépare-toi à avoir mal..eet je ne te dis pas l’état de tes seins si tu allaites! » « Tu vas devenir esclave de ton bébé si tu l’allaites ! » « Tu ne vas pas être libre de boire et manger ce que tu veux ! » « Fais attention de ne pas devenir sa tétine géante ! »
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Et lorsque bébé est là : « Il tète encore ! tu dois manquer de lait, il devrait dormir maintenant.. » « Tu es sûr que ton lait est assez riche ? Tu vois bien qu’il a encore faim ce bébé ! » « Si tu lui donnes un biberon de lait infantile le soir, tu verras il fera ses nuits… » « Il fait vraiment chaud, tu devrais lui donner aussi de l’eau pour ne pas qu’il se déshydrate, ton lait n’est pas suffisant » « Ça ne sert à rien de continuer à allaiter ton bébé, il a déjà 6 mois, ce n’est que de l’eau maintenant ! »
1. Contrer les idées préconçues sur l'allaitement par la connaissance
Anatomie et physiologie de vos seins
La taille des seins n'impacte pas la possibilité d'allaiter
Quelles que soient la taille et la forme de vos seins, il est tout à fait possible d’allaiter. Une petite poitrine n’indique pas un défaut de glande mammaire, tout comme une poitrine généreuse ne suppose pas nécessairement une lactation abondante. Des seins asymétriques ne prédisent pas non plus de difficultés supplémentaires. Les apparences sont souvent trompeuses.
Chaque femme peut produire assez de lait maternel
La grande majorité des femmes pourront produire assez de lait pour leur bébé, il n’existe qu’une très faible proportion de femmes (environ 5%) qui, pour des raisons médicales, n’atteindront pas une lactation complète (hypoplasie mammaire réelle, endommagement de la glande mammaire par une réduction mammaire récente, de graves brûlures thoraciques, un accident ayant endommagé la poitrine, un gros déséquilibre hormonal non corrigé, une anémie sévère, un stress insurmontable) voir à ce sujet notre article dédié « Anatomie et physiologie de la lactation ».
La montée de lait survient même sans allaitement
Même si vous décidez de ne pas allaiter, vous aurez tout de même une montée de lait due aux changements hormonaux déclenchés par l’accouchement, et cela se fera entre J2 et J7; on ne donne plus de médicament pour stopper la lactation car ils sont dangereux pour la santé. Si le bébé ne va pas au sein, la lactation s’arrêtera alors progressivement. D’une femme à l’autre la montée de lait peut être impressionnante, douloureuse ou tout en douceur et passer presque inaperçue, il n’y a pas de règle.
Il est possible d'allaiter après une césarienne
Une césarienne ne va pas nécessairement retarder la montée laiteuse mais vous serez moins mobile et cela peut être plus éprouvant. Voir à ce sujet notre article dédié « Allaiter après une césarienne ». En tout cas si vous vous massez régulièrement les seins et apprenez les gestes de l’expression manuelle en amont, vous saurez mieux vous soulager voir à ce sujet notre article dédié « Les bienfaits du massage des seins ». De plus, si votre bébé est très compétent et tète très souvent, l’inconfort passera rapidement, même si vous risquez de sentir vos seins se tendre et s’assouplir au fil des tétées durant au moins les six premières semaines.
Composition et qualité du lait maternel
Le lait maternel évolue
Il ne faut jamais remettre en question la qualité de votre lait. Il est parfaitement adapté à votre nouveau-né et change en fonction de son âge, de son état de santé et de son environnement, le protégeant constamment jusqu’à son sevrage. Voir à ce sujet nos articles dédiés : « Le colostrum » , « Allaiter jour après jour ». De plus, votre lait évolue en cours de tétée, en fonction du moment de la journée et son goût diffère en fonction de ce que vous mangez. Votre lait a de super pouvoirs, il est vivant, unique et impossible à répliquer malgré toute la technologie dont les industriels disposent.
Vous pouvez allaiter même si vous êtes malade
Alors ayez CONFIANCE en votre corps ! Et sachez que même si vous êtes malade avec de la fièvre, vous pouvez continuer à allaiter votre bébé, les anticorps que vous sécrétez se retrouveront dans votre lait et protègeront votre bébé. La prise d’antibiotiques n’est pas une raison pour sevrer votre bébé, contrairement à ce que vous pouvez entendre, c’est de la désinformation. En cas de traitement médicamenteux, quel qu’il soit référez-vous au site et base de données www.lecrat.fr c’est très fiable.
Vous n'avez pas de restriction alimentaire pendant l'allaitement
Ce n’est pas parce que vous allaitez que vous devez vous priver de certains aliments que vous aimez : si vous mangez varié et équilibré vous ne souffrirez pas de carence et si vous n’abusez pas d’aliments difficiles à digérer ou trop acidifiants pour le corps vous ne risquerez pas d’incommoder votre bébé et une fois que votre allaitement prendra un rythme de croisière, vous pourrez vous accorder de temps en temps si vous le souhaitez une petite boisson alcoolisée après une tétée. Voir à ce sujet notre article dédié « Votre alimentation pendant l’allaitement »
Besoins et compétences du bébé
Il est important de se rappeler ce que votre bébé a vécu dans votre ventre avant de naitre pour pouvoir mieux appréhender ses besoins intenses de bras et de tétées jour et nuit, cette CONNEXION qu’il cherche instinctivement à établir avec vous dont sa survie dépend. C’est le concept de continuum. La chaleur et l’odeur de votre corps lui sont nécessaires, vos seins prennent le relais du placenta en le nourrissant sur mesure de cet élixir de vie qu’est votre lait. Voir à ce sujet nos articles dédiés : « Rythmes des bébés allaités » « Les jours de pointe ».
Votre bébé nait avec des réflexes archaïques qui lui permettent de chercher le sein et de téter. Il peut cependant y avoir des « bugs » au départ comme en cas de naissance prématurée (lire notre article « L’importance du lait maternel pour un bébé prématuré »), d’intervention médicale urgente, de séparation précoce, ou tout simplement de difficulté à s’attacher au sein (lire notre article « Le rejet du sein par le nouveau-né ») ou de manque de vigueur durant les tétées.
Quelle que soit la cause, ayez confiance en votre bébé, il est programmé pour téter et lorsque toutes les conditions seront réunies il le fera vraiment. En attendant il sera important de lancer votre lactation en massant vos seins, et en exprimant le lait à la main puis au tire-lait. Il est possible aussi que des troubles de succion ou des positions non adaptées gênent le CONFORT des tétées et que certaines interventions soient nécessaires afin d’avancer sur la bonne voie. Il n’est pas normal en tout cas d’avoir mal lorsque votre bébé tète, vous ne devriez pas avoir les mamelons blessés, si c’est le cas, il est important de se rapprocher d’une personne compétente pour vous aider à surmonter cette difficulté. Voir à ce sujet notre article dédié « Les crevasses ». Il est possible que l’on vous propose des bouts de sein en silicone à la maternité, veillez à bien les utiliser avec un suivi professionnel dès votre retour à la maison afin que ce ne soit qu’une solution temporaire en pesant les plus et les moins de leur usage dans VOTRE situation. Voir à ce sujet notre article dédié « Les bouts de sein en silicone »
2. Lutter contre les injonctions sociétales
Cela commence en maternité où vous ne serez pas toujours écoutée, rassurée comme vous le souhaiteriez. En fonction du personnel que vous croiserez, il est même probable que vous vous sentiez parfois agressée verbalement… ah ces mots assassins ! « Mais Madame vous ne voyez pas que vous affamez votre bébé ! » Ou bien « Faites attention de ne pas devenir une tétine géante pour votre bébé… ne le gardez pas tout le temps sur vous… » lorsque durant la deuxième nuit, votre bébé reste particulièrement éveillé et agité, cherchant constamment à téter…ce qui est tout à fait courant, et normal. Du coup, on vous proposera sûrement de donner un biberon de lait infantile pour calmer votre bébé…Première déconvenue pour la jeune maman que vous êtes.
Armez-vous de confiance et résistez à ces injonctions ! Pas facile, car avec les changements hormonaux et le tsunami émotionnel que la naissance de votre enfant occasionne, votre vulnérabilité est à son paroxysme. Il suffit que votre bébé soit de petit poids ou au contraire de poids supérieur à la norme pour qu’on vous harcèle et qu’on sème le doute sur votre capacité à produire suffisamment de lait pour votre bébé. Dans certaines situations (ex : bébé très endormi, peu vigoureux au sein, avec une jaunisse, ayant perdu 10% de son poids de naissance ) il vaut mieux prendre les devants et exprimer régulièrement votre colostrum à la main dans une petite cuillère et le lui donner en plus des tétées.
Gardez votre bébé le plus possible sur vous durant ses 2, 3 premiers jours de vie afin de faciliter son adaptation métabolique et repérer ses signes d’éveil pour le mettre au sein.
Préparez-vous en tout cas à subir des pressions sur le poids de votre bébé car on les pèse tous les jours dans les maternités françaises et on s’attend à ce qu’ils aient repris un peu de poids à J3 après une perte physiologique. Il est important de savoir qu’un bébé reprend en général son poids de naissance autour de J10 (parfois avant, parfois un peu après). Voir à ce sujet notre article dédié « Bien débuter son allaitement dès la maternité ».
Lorsque vous serez rentrée chez vous, on vous fera peur si votre bébé partage votre lit ou s’endort sur vous la nuit au lieu de vous expliquer simplement les règles de sécurité à respecter. Dès que votre bébé aura atteint un certain poids et un certain âge (variant en fonction de la personne qui vous conseillera) on vous fera croire qu’il ne devrait plus réclamer à téter si souvent et qu’il devrait maintenant « faire ses nuits ». On vous conseillera alors d’utiliser une tétine à moins qu’on ne l’ait déjà fait dès la maternité(?) afin d’espacer les tétées même si votre bébé n’est pas d’accord et votre corps non plus. Tout ceci nie vos compétences maternelles et votre propre instinct et peut avoir des effets délétères sur votre allaitement (mastite, baisse de lactation, confusion sein-tétine, fléchissement de la courbe de poids de votre bébé..
Réfléchissez, remettez en question ces conseils s’ils ne vous semblent pas justes ! Puis, lorsque votre bébé aura quatre mois, on vous dira qu’il faut commencer la diversification alimentaire alors que les recommandations de l’OMS, de l’HAS et de Santé Publique France parlent de six mois d’allaitement exclusif... cherchez l’erreur !
Le lait maternel est l’aliment principal durant la première année de vie de l’enfant, et si celui-ci n’est pas allaité c’est le lait infantile qui constitue l’essentiel de son alimentation. Il n’y a pas urgence à commencer la nourriture solide, d’autant plus que le bébé ne montre en général des signes d’intérêt qu’autour de 6-7 mois. Ne grillons pas les étapes ! En conclusion, il est important d’écouter votre petite voix intérieure, de suivre vos envies et si vous êtes empreinte de doutes, il est bon de vous faire accompagner par un(e) professionnel(le) de l’allaitement pour un maternage plus serein.
Votre CONFORT, physique et mental, est primordial pour la réussite de cette aventure lactée, quelle qu’en soit la durée. L’allaitement, en somme est avant tout une histoire personnelle, une relation que l’on tisse avec son bébé et son entourage. La perception que l’on en a diffère en fonction de son tempérament, de son éducation et de son vécu. Pour certaines, c’est l’avilissement et la culpabilité de ne pas aimer allaiter qui dominent et pour d’autres c’est au contraire la liberté de pouvoir nourrir son bébé n’importe où et n’importe quand et la fierté de lui donner ce qui est prévu pour lui par la nature.
Et chez une même maman, d’un enfant à un autre cela peut changer, la vie réserve toujours des surprises si on veut bien les accueillir. Chez Lansinoh, nous respectons les choix de toutes les mères, qu’ils soient délibérés ou imposés par les circonstances, et nous continuons à protéger, soutenir et promouvoir l’allaitement maternel, qui est un droit humain digne d’être défendu.
Article rédigé par Myriam Panard, consultante en lactation certifiée IBCLC pour Lansinoh France